Vous êtes probablement comme moi passés à proximité de cette montée de la RT1 à Bouloupari avant de basculer sur Oua Tom sans vous demander qui avait construit cette route et creusé ces tranchées dans la roche ou sans même savoir ou vous rappeler qu’à quelques encablures de là se tenait le Camp Brun, le camp le plus sinistre de l’histoire pénitentiaire de Nouvelle-Calédonie.
C’est à la fois pour parachever la construction du réseau routier entre Ouaménie et Ouatom et mater les forçats les plus récalcitrants que la construction d’un camp permanent est décidée en 1887 par l’administration pénitentiaire. Ce sera le Camp Brun, du nom du propriétaire de l’endroit à qui l’administration loue le terrain.
Des forçats enchaînés jour et nuit travaillant dans des conditions épouvantables sous la surveillance de gardiens intraitables et d’une police indigène tuant dans l’oeuf les rares tentatives d’évasion subiront mauvais traitements et privations de nourriture qui pousseront certains d’entre eux à tuer leur congénères pour un peu de pain ou se mutiler pour échapper aux travaux. Las, ces derniers n’échapperont pas aux corvées pour autant puisque des aménagements seront trouvés pour les contraindre à travailler coûte que coûte.
Le calvaire durera jusqu’en 1895 avec la fermeture du Camp. Les forçats restants réintégreront le Bagne de l’Ile Nou.
La visite des vestiges du Camp Brun est maintenant possible. L’Association Marguerite, sous la houlette de Manu CORMIER, organisera à partir de janvier 2024 des visites guidées. Pour plus de renseignements sur les conditions et le calendrier, consulter la page Facebook FORT TEREMBA MOINDOU (https://www.facebook.com/fortteremba). Attention : l’accès au site est strictement privé. Seule l’association peut vous y conduire.
Trois puits alimentaient le Camp en eau. Les forçats se plaignaient de son goût et sa qualité douteuse était à l’origine de nombreuses dysenteries.
La visite commence par les dortoirs. Construits en matériaux légers dans leur partie haute, leur assise était consolidée par des parpaings cimentés. Il reste actuellement en relatif bon état ces parties basses en dur qui permettent de voir la surface originelle des dortoirs.
Les prisonniers étaient enchaînés durant la nuit.
On aperçoit le sous-bassement en pierre également de la double palissade qui entourait la partie dortoirs.
Il faut monter un peu pour voir ce qu’il reste de la partie geôles.
Les forçats punis pour inconduite étaient enfermés en cellule collective et enchaînés tous ensemble à la barre de Justice dont on aperçoit encore l’encoche sur le mur extérieur.
Les forçats plus lourdement punis étaient enfermés dans des cellules individuelles, dans l’obscurité totale et soumis au régime strict pain sec et eau.
L’escalier central remonte au logement des surveillants. Le bâtiment, construit en matériaux légers, n’existe plus.
Le gardien-chef disposait d’une maison à l’écart du camp. Elle n’est plus visible actuellement.
Nous remercions chaleureusement Manu CORMIER pour la visite du site et pour ses explications passionnantes.
Pour en savoir plus :
– “Dans l’enfer du Camp Brun” de Benoît Delvinquier (pour un résumé de l’histoire du Camp Brun)
– “Un aperçu de la discipline pénitentiaire sous la IIIème République : l’exemple du Camp Brun (1887-1895) de Jerry Delathière (article très complet et très documenté in Bulletin n° 134 de la Société d’Etudes Historiques de Nouvelle-Calédonie (SEHNC)
– Les archives de la Nouvelle-Calédonie (ANC) pour le fond photographique.
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